Matilda Beach
Le transport maritim des hydrocarbures
TABLE DES MATIERES
IINTRODUCTION 2
IIPOSITION DU PROBLEME 2
ALES SOURCES DE LA POLLUTION DU MILIEU
MARIN 2
BLE DEVELOPPEMENT DU CADRE LEGISLATIF 3
IILA PREVENTION DIRECTE DE LA POLLUTION PAR LES
HYDROCARBURES 4
ALE CADRE DU DROIT INTERNATIONAL
GENERAL 4
1Le droit international coutumier 4
2Le droit international conventionnel 4
BLE DROIT INTERNATIONAL SPECIAL 5
1Le rôle et le fonctionnement de
l’OMI 5
2La Convention de Londres pour la prévention de
la pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures de 1954
(OILPOL) 6
3La Convention de Londres pour la prévention de
la pollution par les navires 7
(MARPOL 73/78)
a)Introduction 7
b) Le fonctionnement de MARPOL 73/78 8
(i)Les prescriptions techniques 8
(ii)La mise en oeuvre 9
c)Evaluation de l’impact de MARPOL
73/78 10
(i)Les défauts de MARPOL
73/78 11
(ii)Interprétation de ces
défauts 11
IVLA PREVENTION INDIRECTE DE LA POLLUTION PAR LES
HYDROCARBURES 12
VLA GESTION EN CAS DE REALISATION DU
RISQUE 13
ALA LIMITATION DE L’ETENDUE DES
DOMMAGES 13
1Le droit d’intervention de l’Etat
côtier 13
2La coopération
internationale 13
BLA REPARATION DU DOMMAGE 13
1Une responsabilité
étatique ? 13
2Le régime de la responsabilité
civile 14
a)Les « Conventions de
compensation » 14
b)Les accords privés de l’industrie
maritime 15
VICONCLUSION 15
BIBLIOGRAPHIE 17
Le transport maritime des hydrocarbures est souvent
considéré comme étant synonyme de pollution. Bien que le
pétrole ne soit pas le plus nocif des polluants marins, son transport est
potentiellement une source de dommages importants. En effet, environ
100’000’000 tonnes de pétrole empruntent la voie maritime
chaque jour (GRIFFIN, p. 1)., souvent à raison de 200’000 tonnes
à la fois (Ce chiffre représente la capacité de port en
lourd de plus de la moitié des pétroliers à la fin des
années septante, cf. http://www.imo.org/imo/50ann/history3.htm). Le fait
qu’une partie de ces hydrocarbures se déverse dans la mer
plutôt que dans les barils du pays destinataire n’a donc rien
d’étonnant. Ainsi que nous le verrons, cette pollution peut
être aussi bien opérationnelle
qu’accidentelle.
On a pu assister au cours des quarante dernières
années au développement d’un arsenal législatif
considérable visant à réduire la pollution marine.
D’aucuns tiennent même la réglementation en vigueur pour
complète, ce qui est sans doute rarement le cas en droit international de
l’environnement. Quoi qu’il en soit, le système
réglementaire adopté en matière de lutte contre la
pollution du fait du transport maritime des hydrocarbures est hautement
représentatif des moyens traditionnellement employés en droit
international de l’environnement. La technique juridique employée
est en effet celle du processus normatif en continu. Ainsi, la
réglementation est constituée, dans l’ordre, de
conventions-cadres, de conventions plus spécifiques, elles-mêmes
complétées par une série de protocoles additionnels et
d’annexes. Par les compromis auxquels elle aboutit, en présence
d’une multitude d’intérêts divergents et souvent
conflictuels, cette réglementation est symptomatique des enjeux que doit
affronter le droit international de l’environnement dans son
ensemble.
Le présent travail de séminaire a pour
objet l’examen du régime légal du transport maritime des
hydrocarbures. Dans une première partie (II), on s’attachera
à une brève description des facteurs à l’origine de
la pollution du milieu marin ainsi qu’à une présentation
succincte des conventions internationales applicables en la matière. La
deuxième partie (III) sera consacrée aux règles qui visent
à promouvoir la prévention des dommages causés à
l’environnement marin. Une troisième partie (IV) portera sur la
prévention indirecte de la pollution marine. La quatrième partie
(V), enfin, aura pour objet la règlementation consacrée à
la gestion de cette pollution. Une attention particulière sera
portée à l’étude de la Convention internationale pour
la prévention de la pollution par les navires (MARPOL 73/78) et de ses
mécanismes de fonctionnement. En revanche, nous n’aborderons pas
les traités multilatéraux régionaux et nous nous limiterons
aux questions que soulève la pollution causée par les navires,
à l’exclusion des pipelines.
A LES SOURCES DE LA
POLLUTION DU MILIEU MARIN
Les sources principales de la pollution marine sont au
nombre de quatre : la pollution en provenance des transports et de la
navigation, l’immersion délibérée de déchets,
l’exploration et l’exploitation du sol et du sous-sol marin, enfin
la pollution d’origine tellurique ou atmosphérique (CHURCHILL,
LOWE, p. 242; KISS, p. 16). Cette dernière représente à
elle seule les trois-quarts de la pollution du milieu marin (BOISSON DE
CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 327).
La pollution du fait des navires est
opérationnelle ou accidentelle (BOISSON DE CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO,
p. 327). La première résulte, de manière intentionnelle ou
par négligence, du fonctionnement normal du bâtiment. Il
s’agit, notamment, des activités ayant trait au chargement et au
déchargement, de la vidange des fonds de cale, de l’utilisation de
l’eau de mer à des fins de lest et du nettoyage des citernes. La
seconde se réfère aux cas où le déversement a pour
cause un accident tel qu’une collision, un feu ou un échouement.
Aussi impressionnants qu’ils soient, les accidents sont à
l’origine de déversements d’hydrocarbures bien moindres que
ceux résultant des activités opérationnelles. En effet, 75%
des hydrocarbures déversés dans la mer proviennent de ces
opérations et 25% seulement d’accidents (GRIFFIN, p. 1). Ces
derniers s’avèrent dangereux essentiellement en raison de la
concentration d’hydrocarbures qu’ils engendrent en un seul endroit
(BIRNIE, BOYLE, p. 263. Cf. Annexe III du présent travail pour une
illustration). Toutefois, le nombre croissant de navires en circulation et leur
taille, toujours plus grande, augmentent le risque d’accidents ainsi que
l’importance de leurs conséquences (CHURCHILL, LOWE, p.
243).
L’âge toujours croissant des
pétroliers pose un autre problème important. Dès la fin des
années septante, les avances techniques ont été
accompagnées d’une stagnation économique dans beaucoup de
secteurs de l’industrie maritime. Trop de navires ont été
construits pendant les années de boom économique
(http://www.imo.org/imo/50ann/hilight3.htm). Ce surplus, conjugué avec un
compromis malheureux concédé à l’industrie maritime
lors de l’élaboration de MARPOL, a eu pour conséquence de
porter la moyenne d’âge de la flotte mondiale de pétroliers
à 15 ans aujourd’hui (GRIFFIN, p. 7. Cf. infra III B 3 c (i)). Ce
fait accroît les risques de corrosion et de panne et, partant, menace de
porter atteinte à l’environnement marin.
B LE DEVELOPPEMENT DU CADRE
LEGISLATIF
Le domaine de la lutte contre la pollution du milieu
marin est bel et bien fils du droit international de l’environnement et ne
renie en rien ses origines : il est essentiellement un « droit de
réponse ». (BOISSON DE CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 16) Les
dates des grands accidents précèdent de peu les
étapes-clés du développement de la réglementation
internationale.
Au moment de l’adoption de la Convention sur
l’Organisation Maritime Internationale (OMI) en 1948, la pollution marine
était encore considérée comme un problème purement
régional (http://www.imo.org/imo/50ann/history3.htm ). Mais au
cours des années cinquante, le commerce international du pétrole
devait se développer et, avec lui, la pollution due aux décharges
des réservoirs des pétroliers (BOISSON DE CHAZOURNES, DESGAGNE,
ROMANO, p. 679). C’est ainsi qu’était adoptée en 1954
la Convention internationale pour la prévention de la pollution des eaux
de la mer par les hydrocarbures (OILPOL). Celle-ci représente la
première réaction de la communauté internationale au
problème croissant de la pollution marine (BOYLE, p.
347).
Cela étant, OILPOL n’avait pour objet que
la pollution opérationnelle (O’CONNELL, p. 998). Il a fallu
attendre l’accident du Torrey Canyon au large des côtes de la
Cornouaille pour que l’Europe réalise enfin le risque que
représentent pour l’environnement marin les accidents impliquant
les navires. Les lacunes du droit international en termes de protection du
milieu marin, mais aussi de responsabilité et de compensation
étaient mises à nues (http://www.imo.org, Focus on IMO,
« IMO 1948-1998: A Process of Change »); « la
prise de conscience que [le Torrey Canyon] avait déclenchée dans
la communauté internationale allait se concrétiser par
l’adoption en moins de dix ans d’un appareil conventionnel
totalement original » (DUPUY, VIGNES, p. 981). En 1969 et en 1971 ont
été adoptées les deux « Conventions de
compensation » sur la responsabilité, soit la Convention
internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus
à la pollution par les hydrocarbures et la Convention internationale
portant création d’un fonds international d’indemnisation
pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. La Convention
de Bruxelles sur le droit d’intervention en haute mer date elle aussi de
1969. Enfin, plusieurs amendements à OILPOL devaient être
adoptés en 1969, puis en 1971 (http://www.imo.org, « IMO:What
It Is and What It Does »). Ces derniers, en limitant la taille des
citernes individuelles, visaient expréssement à réduire
cette fois la pollution accidentelle.
Des nouveaux accidents survenus au cours de
l’hiver 1976/77 sont à l’origine de l’entrée en
vigueur de la Convention MARPOL qui avait pourtant été
adoptée sous l’égide de l’OMI en 1973
déjà. Ce sont les mêmes accidents qui ont conduit à
la convocation par l’OMI en 1978 de la Conférence sur la
sécurité des pétroliers et la prévention de la
pollution au cours de laquelle fut adopté un protocole ayant trait
à la Convention de 1973. Le protocole absorbant la Convention de 1973, le
tout a donné naissance au nouvel instrument dénommé MARPOL
73/78
(http://www.imo.org, « IMO:What It Is and What
It Does »).
De même que l’échouement de
l’Amoco Cadiz en 1978 a entraîné un nouvel examen de la
question de la réparation des dommages causés par les
déversements d’hydrocarbures, l’accident l’Exxon Valdez
en 1989 a conduit à l’adoption par les Etats-Unis du très
sévère Oil Pollution Act (OPA) ; c’est ce dernier qui a
poussé l’OMI à amender MARPOL 73/78, en introduisant
notamment l’exigence des doubles-coques ( Cf. infra III B 3 b
(i)).
III LA PREVENTION DIRECTE DE
LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
A LE CADRE DU DROIT
INTERNATIONAL GENERAL (BIRNIE, BROWN, pp. 252-257; BOISSON DE CHAZOURNES,
DESGAGNE, ROMANO, pp. 15-21, 323-328, 679-680; BOYLE, pp. 347-348; BROWN, pp.
377-378; CHURCHILL, LOWE, pp. 245-246).
1 Le droit international
coutumier
Selon le droit international coutumier, le droit de
l’utilisateur de la haute mer n’est pas un droit absolu mais celui
d’un utilisateur raisonnable (dem). Ce principe est confirmé par
l’article 2 de la Convention de Genève sur la haute mer de 1958,
qui prévoit que la liberté de la navigation est
« exercée par tous les Etats en tenant raisonnablement compte
de l’intérêt que la liberté de la haute mer
présente pour les autres Etats ». Il serait tentant de
déduire de cet article une interdiction du déchargment
déraisonnable de substances nocives dans la mer. Toutefois, le droit
international coutumier n’offre pas de réponse à la question
de savoir quelles substances seraient nocives et quel serait un rejet
déraisonnable. Il s’ensuit que le principe est trop vague pour
trouver application.
Le principe 7 de la Déclaration de Stockholm de
1972 sur l’environnement, adoptée lors de la Conférence des
Nations Unies sur l’environnement, demeure au même niveau de
généralité lorsqu’il énonce que
« les Etats devront prendre toutes les mesures possibles pour
empêcher la pollution des mers par des substances qui risquent de mettre
en danger la santé de l’homme, de nuire aux ressources biologiques
et à la vie des organismes marins, de porter atteinte aux
agréments naturels ou de nuire à d’autres utilisations
légitimes de la mer ». Egalement formulé en termes
généraux, son principe 6 exprime un concept qui a servi de base
à des traités devant être adoptés par la suite en
matière de pollution en provenance des navires et d’immersion de
déchets. Il dispose que « les rejets de matières
toxiques ou d’autres matières et les dégagements de chaleur
en des quantités ou sous des concentrations telles que
l’environnement ne puisse plus en neutraliser les effets doivent
être interrompus de façon à éviter que les
écosystèmes ne subissent des dommages graves ou
irréversibles. La lutte légitime des peuples de tous les pays
contre la pollution doit être encouragée ». La
déclaration n’a pas le statut de traité et n’a aucune
force obligatoire. Mais en tant qu’expression de l’opinio juris des
Etats, elle a contribué à la consécration de certains
principes de droit international coutumier et au développement progressif
du droit. C’est ainsi qu’elle a eu une influence sur la
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, qui a donné
naissance à la Convention de Montego Bay de 1982.
2 Le droit international
conventionnel
Etant donné les insuffisances du droit
international coutumier en la matière, il n’est pas surprenant que
le droit international concernant la pollution marine se trouve en grande partie
dans des traités. Il existe quelques traités
généraux qui constituent le point de départ de
traités plus spécialisés. Nous traiterons d’abord des
premiers, pour ensuite anayser les seconds lors de la partie III
B.
La Convention de Genève sur la haute mer de 1958,
dont l’article 2 a déjà été mentionné,
prévoit à son article 24 l’obligation pour les Etats
d’adopter des dispositions visant à « éviter la
pollution par les hydrocarbures répandus par les navires (...), en tenant
compte des dispositions conventionnelles existant en la
matière ». Cette référence aux autres
traités vise principalement la Convention OILPOL, les Etats
n’étant toutefois pas contraints à devenir partie à
cette Convention. Dans les faits, l’obligation de l’article 24 est
loin de constituer un devoir général de protection du milieu
marin, et son contenu est resté largement indéfini. Nonobstant
l’adoption de la Convention, les Etats ont donc continué à
jouir d’une grande liberté de polluer, dont la seule limite
était le principe selon lequel la liberté de la haute mer devait
être exercée en tenant raisonnablement compte des droits des
autres.
La partie XII de la Convention de Montego Bay,
intitulée « protection et préservation du milieu
marin », va beaucoup plus loin que les dispositions du droit
international coutumier et conventionnel déjà mentionnées.
Les articles 192 à 194, conjointement avec d’autres traités
spéciaux et notamment MARPOL 73/78, témoignent de
l’émergence en droit international d’une obligation plus
contraignante en ce qui concerne le devoir de protection du milieu marin. En
effet, les articles 192 et 193 transforment le principe 21 de la
Déclaration de Stockholm en un devoir de protection qui se rattache de
manière non équivoque au droit des Etats d’exploiter leurs
ressources naturelles. Quant à l’article 194, son alinéa 1
reprend l’obligation coutumière de la diligence due, en disposant
que les Etats prendront « toutes les mesures
nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser
la pollution du milieu marin ». Cette obligation est toutefois
tempérée par l’article 194 alinéa 1 in fine qui
prévoit que les moyens utilisés seront « les moyens les
mieux adaptés dont ils disposent, en fonction de leurs
capacités ».
Pour une partie de la doctrine ( Il ne s’agit pas
d’une position unanime, cf. BIRNIE, BOYLE, p. 256), l’importance
première de la Convention de Montego Bay vient de l’incorporation
qu’elle fait de MARPOL et de la réglementation de l’OMI.
Cette incorporation aurait ainsi pour conséquence que le contenu de
l’obligation de la diligence due de l’article 194 doit être
interprétée à la lumière des conventions de
l’OMI (BIRNIE, BOYLE, p. 257). Une chose est sûre : les
dispositions de la Convention portant sur l’environnement marin
représentent le point culminant d’un processus de création
de droit international responsable de changements importants en droit
international de la mer. Le fait que la pollution ne peut plus être
considérée comme un droit implicite de la liberté de la
haute mer est une de ces modifications( BIRNIE, BOYLE, p. 253).
B LE DROIT INTERNATIONAL
SPECIAL
Il ne faut pas perdre de vue le rôle
complémentaire que jouent les accords spéciaux par rapport au
droit général, et notamment par rapport à la partie XII de
la Convention de Montego Bay. Cette dernière « constitue
à bien des égards un droit-cadre dont nombre des dispositions ne
pourront recevoir pleine application qu’en s’appuyant aussi bien sur
des accords spécifiques que sur les lois et réglements
nationaux » (DUPUY, VIGNES, p. 1006). En effet, malgré ses
innovations, la Convention de Montego Bay ne prévoit que des principes
constitutifs d’un cadre pour le régime légal de la pollution
marine (BROWN, p. 336). Il s’ensuit qu’à
l’intérieur de cette structure générale ont
été adoptées des réglementations plus
spécialisées en ce qui concerne des sources de pollution
spécifiques.
Il en va ainsi de la pollution du fait du transport
maritime des hydrocarbures. De par sa nature, ce type de pollution demande
à être réglementé de façon globale. Ainsi les
conventions régionales en la matière ne concernent que des
questions de mise en oeuvre (BIRNIE, BROWN, p. 261. Voir par exemple
l’Accord de Bonn de 1969 par rapport à la mer du Nord ou la
Convention de Helsinki de 1992 par rapport à la mer Baltique, qui
incorpore MARPOL 73/78).. La réglementation spécifique concernant
la pollution par les hydrocarbures se trouve dans les « Conventions de
l’OMI ». Il s’agit de conventions qui ont
été élaborées sous l’égide de
l’Organisation Maritime Internationale, ou dont l’administation
relève de celle-ci. Il s’agit essentiellement des Conventions
OILPOL et MARPOL 73/78.
1 Le rôle et le
fonctionnement de l’OMI
(MCGOVERN, pp. 159-166;
http://www.imo.org/imo/faqs.htm; www.imo.org/imo/50ann/history3.htm;
http://www.imo.org/imo/introd.htm, « IMO, What It Is, What It Does and
How It Works »; www.imo.org/50ann/hilight3.htm, Focus on IMO,
« IMO 1948-1998 : A Process of
Change »).
L’Organisation Maritime Internationale (connue
jusqu’en 1982 sous le nom de l’Organisation maritime consultative
intergouvernementale) a été créée en tant
qu’agence spéciale de l’ONU par une convention adoptée
lors de la Conférence maritime des Nations Unies à Genève
en 1948. La convention n’est pourtant entrée en vigueur que dix ans
après, lorsque le Japon devînt le vingt-et-unième pays
à déposer son instrument de ratification. Il s’agit de la
seule organisation intergouvernementale à s’occuper uniquement des
affaires maritimes et, aujourd’hui, 157 Etats en sont
membres.
L’OMI constitue un forum au sein duquel les Etats
peuvent débattre des questions maritimes, quel que soit leur poids
économique et politique. Elle est organisée en comités,
sous-comités et groupes de travail où les représentants des
membres peuvent exprimer leurs points de vue. Les projets sont longuement
discutés, ce qui vaut à l’OMI l’image d’une
administration lente. Mais son but étant de faire adopter des conventions
qui s’appliqueront au plus grand nombre de navires, ces discussions sont
nécessaires afin d’obtenir le consensus qui garantira
l’efficacité de la réglementation maritime ainsi
élaborée.
Cette lenteur a tout de même été
rectifiée en ce qui concerne les modifications aux conventions
techniques. Au début des années septante, l’OMI a
adopté le système de l’acceptation tacite. Selon ce dernier,
un amendement est présumé entrer en vigueur de manière
automatique ou à une date convenue, à moins qu’il ait
été rejeté par un nombre spécifique d’Etats.
C’est justement le fait que les Conventions de l’OMI soient
élaborées de manière consensuelle qui permet à ce
système de fonctionner. Ce mécanisme a aujourd’hui
été incorporé à presque toutes les conventions
techniques de l’OMI, dont notamment les annexes techniques de la
Convention MARPOL.
Il est vrai que les Etats craignaient que l’OMI
n’étende ses compétences à des questions purement
commerciales, ce qui explique la réticence de certains à ratifier
la convention fondatrice. Cette crainte s’est avérée
infondée. En effet, l’OMI est une organisation technique dont les
préoccupations principales étaient, et sont toujours, la
sécurité de la navigation et la prévention de la pollution.
Par le passé, sa tâche première a été de
développer des conventions internationales et autres types de
législation, qui se caractérisent par le fait que les provisions
techniques (substantive rules) se trouvent dans des annexes( VAN REENEN, p. 25).
Actuellement, elle se concentre davantage sur la mise à jour de cette
réglementation et à la recherche de sa ratification par un maximum
de pays. Cela étant, l’OMI n’est chargée que de
l’adoption de la réglementation et non pas de sa mise en oeuvre,
qui relève de la compétence des Etats. Elle essaie toutefois
d’aider les Etats qui n’ont pas l’infrastructure
nécessaire à la mise en oeuvre par le biais de son programme de
coopération technique.
L’OMI est également l’auteur de
nombreuses recommandations, adoptées sous la forme de codes, de lignes
directrices (guidelines) ou de pratiques recommandées. Nonobstant leur
absence de force obligatoire, ces recommandations offrent aux gouvernements un
modèle à suivre lors de l’adoption de législations
nationales.
2 La Convention de Londres
pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par les
hydrocarbures de 1954 (OILPOLBIRNIE, BOYLE, p. 266; BOISSON DE CHAZOURNES,
DESGAGNE, ROMANO, pp. 679-680; BROWN, pp. 379-380; CORDIER, DU PONTAVICE, pp.
342-351; DUPUY, VIGNES, pp. 992-994; GRIFFIN, pp. 1-11; O’CONNELL, pp.
1000-1003).
La Convention OILPOL a été
remplacée par MARPOL 73/78 en 1983, lors de l’entrée en
vigueur de cette dernière. Il est néanmoins intéressant de
rappeller ses caractéristiques principales en guise d’introduction
à ce dernier.
Il s’agit de la première tentative
internationale de limiter la pollution du fait du transport maritime des
hydrocarbures. La réglementation ne porte que sur les décharges
opérationnelles et, dans la lutte contre ces dernières, elle
emploie plusieurs techniques. L’emplacement des rejets est
contrôlé : ils sont interdits à moins de 50 milles des
côtes et totalement dans certaines zones sensibles telle la mer du Nord.
Le taux de rejet est réglementé, ainsi que le besoin de
décharges. Afin de limiter ce dernier, la Convention appelle aux
gouvernements de pourvoir à des installations portuaires de
déchargement et introduit des normes de construction et
d’équipement qui visent par exemple à réduire la
quantité de résidus pétroliers à éliminer ou
à séparer les hydrocarbures du ballast (système dit
LOT : load on top).
Nonobstant cette réglementation, qui en soi
n’avait rien de défectueux, la Convention a eu peu de succès
pour plusieurs raisons. Premièrement, et conformément au
modèle traditionnel, seuls les Etats du pavillon étaient
responsables de son exécution. Les pavillons de complaisance posaient
alors problème puisque les Etats concernés hésitaient
à imposer des contraintes aux armateurs de navires battant leur pavillon,
par peur de les perdre. Deuxièmement, pas tous les Etats du pavillon
étaient parties à la Convention, et ainsi que nous l’avons
vu, la Convention de Genève sur la haute mer n’incitait pas
à la ratification. Troisièmement, la difficulté pratique
des preuves constituait une barrière importante à la mise en
oeuvre. Un autre obstacle était celui du nombre insuffisant
d’installations portuaires aptes à effectuer le nettoyage des
citernes, nettoyage pourtant exigé par la Convention. En effet, bien que
les Etats contractants s’étaient en principe engagés
à promouvoir la création de ces installations, la Convention ne
rendait leur implantation obligatoire que dans les grands ports et pour les
navires autres que pétroliers. Il a fallu attendre MARPOL pour obtenir
des textes satisfaisants à ce sujet. En dernier lieu, la mise en oeuvre
de la Convention était soumise à maintes conditions... Les
dispositions applicables étaient différentes suivant que le navire
auteur du rejet appartenait à l’une ou l’autre des
catégories prévues. Certaines catégories de navires
échappaient totalement au champ d’application de la
Convention ; il en était ainsi des navires de guerre et des
bâteaux d’une jauge brute inférieure à 500 tonneaux.
La réglementation connaissait d’importantes exceptions, concernant
les Grands lacs américains, les navires baleiniers et certaines
circonstances de rejet (selon l’article 1, étaient
admissibles : « les déversements provenant d’une
avarie ou d’une fuite impossible à éviter, si toutes les
précautions raisonnables ont été prises après
l’avarie ou la découverte de la fuite, pour empêcher ce
déversement »).
Mais le véritable problème d’OILPOL
et de ses amendements était qu’ils ne faisaient, en pratique, que
de déplacer la pollution en-dehors des régions
côtières, au lieu d’en réduire la quantité
introduite dans les océans ( GRIFFIN, p. 3). Subsidiairement, le
système de séparation des hydrocarbures du ballast (LOT) introduit
par l’amendement de 1969 n’eût pas les résultats
souhaités. Compliqué, même pour un équipage
qualifié, le système ne fonctionnait pas en cas de mauvais temps
ou de voyage sur une courte distance (GRIFFIN, p. 3; O’CONNELL, p. 1003.
Cf. infra III B 3 b (i)). C’est donc suite aux pressions des Etats-Unis,
qui menaçaient de prendre des mesures unilatérales si une solution
internationale n’était pas trouvée (GRIFFIN, p. 3). que fut
convoquée la Conférence internationale sur la pollution marine de
1973 qui donna naissance à la Convention MARPOL 73.
3 La
Convention de Londres pour la prévention de la pollution par les navires
(MARPOL 73/78) (BIRNIE, BOYLE, pp. 267-273; BOISSON DE CHAZOURNES,
DESGAGNE, ROMANO, pp. 680-681, 683; BROWN, pp. 380-382; CHURCHILL, LOWE, pp.
249-252; CORDIER, DU PONTAVICE, pp. 367-374; GRIFFIN, pp. 1-11; HOHMANN, pp.
208-211; O’CONNELL, pp. 1003-1006; PEET, pp. 277-292; VAN REENEN, pp.
27-30; http://www.imo.org, Focus on IMO, « MARPOL
73/78 »).
Conçue pour remplacer OILPOL, la Convention
MARPOL a été adopté en 1973 mais a dû être
révisée en 1978 pour faciliter son entrée en vigueur.
Celle-ci tardait notamment en raison de désaccords portant sur
l’Annexe II relative à la pollution par les substances nocives
transportées en vrac. Le protocole de 1978 a été
rédigé de façon à absorber la Convention, de sorte
que les deux sont entrés en vigueur en tant qu’instrument unique,
soit MARPOL 73/78, en 1983.
La Convention MARPOL 73/78 a depuis été
ratifiée par 70 Etats (PEET, p. 278), représentant environ 90% du
tonnage brut enregistré de la flotte marchande mondiale BOISSON DE
CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 681; GRIFFIN, p. 7.) Il ne fait
aujourd’hui aucun doute que ses dispositions font partie des
« règles et normes internationales généralement
acceptées » auxquelles fait référence
l’article 211 de la Convention de Montego Bay lorsqu’il
définit le contenu de l’obligation de diligence due des Etats en
matière de protection du milieu marin. Il y a donc d’importants
motifs pour considérer que les dispositions de MARPOL codifient le droit
international coutumier (BIRNIE, BOYLE, p. 267). Une telle affirmation a pour
conséquence que le respect de ces dispositions s’imposerait
même aux Etats non-parties à MARPOL ou à la Convention de
Montego Bay (qui, rappelons-le, incorpore les prescriptions de
MARPOL).
MARPOL 73/78 est une suite de compromis et de
concessions entre des intérêts très divergents. La
Convention doit notamment trouver un équilibre entre le besoin de
protéger et de préserver l’environnement marin et le
désir de ne pas imposer une réglementation qui rendrait le
coût du commerce maritime prohibitif (GRIFFIN, p. 1). De surcroît,
le régime d’exécution qu’elle prévoit se doit
de trouver un équilibre entre la juridiction de l’Etat du pavillon
et de l’Etat côtier O’CONNELL, p. 1003.
b) Le fonctionnement de
MARPOL 73/78
Selon son préambule, MARPOL ne vise rien de moins
que de « mettre fin à la pollution intentionnelle du milieu
marin par les hydrocarbures et autres substances nuisibles et de réduire
au maximum les rejets accidentels de ce type de substances ».
A cette fin, la Convention prévoit des normes
spécifiques que les navires devront respecter. Ces normes sont contenues
dans cinq annexes, annexes qui font partie intégrante de la Convention.
L’approche de MARPOL est semblable à celle d’OILPOL en ce
qu’elle se fonde surtout sur des mesures techniques afin de limiter la
pollution. Les différences se trouvent au niveau du champ
d’application et de la mise en oeuvre. MARPOL ne s’occupe pas
exclusivement de la pollution des mers par les hydrocarbures, mais
également de celle causée par d’autres substances nocives.
Le système de mise en oeuvre qu’elle prévoit est beaucoup
plus efficace que celle d’OILPOL, en ce qu’il réunit
l’Etat du pavillon, l’Etat côtier et l’Etat du port dans
un régime de coopération. La mise en oeuvre ne relève donc
plus du seul ressort de l’Etat du pavillon.
Du point de vue de la structure, les prescriptions
techniques se trouvent dans les annexes, alors que les questions de mise en
oeuvre sont réglées par la Convention de 1973/78 proprement dite.
Les règles relatives à la prévention de la pollution par
les hydocarbures sont contenues dans l’Annexe I, qui consolide et
élargit la Convention OILPOL et ses amendements, dans le sens des
amendements de 1969.
(i) Les prescriptions
techniques
• Les zones
spéciales (KISELEV, pp. 241-246).
Selon l’article 10 de l’Annexe I, tout rejet
autre que du ballast propre par un pétrolier, ou tout autre navire
d’une jauge brute de plus de 400 tonneaux, est interdit dans une des sept
zones spéciales désignées comme telles. Il s’agit de
la mer du Nord, de la Baltique, de la Méditerranée, de la mer
Noire, de la mer Rouge et de la « zone des golfes ». La
définition de « zone spéciale » se trouve
à l’article 1 de l’Annexe I. Elle désigne
« une zone maritime qui, pour des raisons techniques reconnues
touchant sa situation océanographique et écologique ainsi que le
caractère particulier de son trafic, appelle l’adoption de
méthodes obligatoires particulières pour prévenir la
pollution des mers par les hydrocarbures ».
• Les normes de
rejet
L’article 9 de l’Annexe I prévoit une
règlementation de type procédurale qui cherche à
réduire la pollution en réglementant les opérations qui la
génèrent (GRIFFIN, p. 4). On retrouve, avec quelques
modifications, les mesures prévues par OILPOL (BROWN, p. 380). Ainsi le
taux instantané de rejet ne doit pas dépasser 30 litres par mille
marin ; la quantité totale d’hydrocarbures rejetée dans
la mer ne doit pas dépasser 1/15 000 de la quantité totale de la
cargaison pour les pétroliers existants, et 1/30 000 pour les
pétroliers neufs.
• La construction et
l’équipement des navires
MARPOL 73/78 prévoit également une
réglementation de type technique, qui vise à réduire la
pollution en exigeant que les navires soient conçus de façon
à éliminer ou réduire la pollution opérationnelle
(GRIFFIN, p. 4). A la différence de l’approche procédurale,
cette méthode ne dépend ni de l’assiduité des
équipages dans la gestion des rejets, ni du zèle de l’Etat
du pavillon à détecter les infractions. Elle ne dépend que
de la technologie (GRIFFIN, p. 4).
Selon l’article 13 de l’Annexe I, les
citernes à ballast séparé sont obligatoires pour tous les
pétroliers neufs d’un port en lourd égal ou supérieur
à 20 000 tonnes. Ces citernes mettent quasiment fin aux problèmes
de rejets de ballast pollué, en éliminant la
nécessité de transporter de l’eau de mer de ballastage dans
les citernes à cargaison. Le ballast ne sera contaminé que si le
capitaine se voit obligé de prendre du ballast complémentaire dans
ses citernes à cargaison, la sécurité du navire
étant en jeu (CORDIER, DU PONTAVICE, p. 371).
Les articles 15 et 16 de l’Annexe I reprennent le
système de séparation d’eau et d’hydrocarbures LOT
prévu par la Convention OILPOL, et le rendent obligatoire pour tous les
pétroliers d’une jauge brute de 150 tonneaux ou plus. Cette
technique consiste à laisser se séparer les eaux
opérationnelles, consituées d’un mélange d’eau
et d’hydrocarbures. L’eau propre peut ainsi être
rejetée sans autre, les restes d’hydrocarbures étant
conservés à bord. La nouvelle cargaison est ensuite chargée
sur les anciens résidus (d’où l’appellation load on
top).
Afin de minimiser la création d’eaux
opérationnelles polluées, les articles 13 alinéa 6 et 13B
de l’Annexe I, introduits lors de la révision de 1992,
prévoient un système de lavage des citernes à cargaison au
pétrole brut. Ce système est obligatoire pour les
pétroliers d’une jauge brute de 150 tonneaux ou
plus.
Les articles 13F et 13G de l’Annexe I furent
également introduits lors de l’amendement de 1992. L’article
13F exige que tout nouveau pétrolier d’un port en lourd de 600
tonnes ou plus soit équipé d’une double-coque. Cette
« deuxième peau » empêcherait
l’écoulement de pétrole en cas de collision ou
d’échouement. Il s’agit donc d’une mesure technique qui
lutte contre la pollution accidentelle. Toutefois, l’obligation
instaurée par les articles 13F et 13G est le fruit d’un compromis.
Réclamée par les Etats-Unis suite à l’accident
l’Exxon Valdez, l’exigence de la double-coque devait rencontrer
l’opposition de l’industrie maritime à cause des coûts
qu’elle allait engendrer. C’est ainsi que l’article 13G
prévoit un délai d’observation de 25 ans pour les anciens
navires, et que les doubles-coques ne représentent qu’un standard
environnemental, d’autres mesures étant admissibles pour autant
qu’elles soient jugées équivalentes. Face à ces
concessions, les Etats-Unis ont opté pour la voie de la
réglementation unilatérale ; l’OPA américain
rend les doubles-coques obligatoires pour tous les navires, sans
exception.
• Installations de
récupération
Le pendant des exigences concernant les zones
spéciales et la conservation à bord des résidus
d’hydrocarbures, l’article 12 de l’Annexe I prévoit que
les gouvernements s’engagent « à faire assurer la
mise en place d’installations capables de recevoir les résidus et
les mélanges d’hydrocarbures que les pétroliers et les
autres navires auraient encore à décharger ».
L’ambiguïté plane toutefois sur la question de savoir qui, des
autorités étatiques ou des industries, a la charge de fournir ces
aménagements (BOISSON DE CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 681.
D’une part, les termes « les gouvernements
s’engagent » ont été interprétés par
bien des Etats comme n’étant pas obligatoires (O’CONNELL, p.
1005). D’autre part, les dispositions sur les installations ont
créé peu de procédures permettant de s’assurer que
les aménagements soient effectivement installés (BOISSON DE
CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 681).
• Visites et
inspections
Pour ce qui est de l’inspection des navires,
l’article 4 alinéa 3 lettre b de l’Annexe I concrétise
l’article 5 MARPOL 73/78. Il dispose que
« l’autorité prend les mesures nécessaires pour
que des inspections inopinées soient effectuées pendant la
période de validité du Certificat ».
• Plan
d’urgence
Suite à l’entrée en vigueur en 1993
de l’amendement à l’Annexe I de 1992, tous les
pétroliers d’une jauge brute supérieure ou égale
à 150 tonneaux doivent, selon l’article 26 dudit Annexe, avoir un
plan d’urgence en cas de pollution par les hydrocarbures. Le plan doit
être approuvé par leur administration nationale et être
conforme aux lignes directrices de l’OMI.
• Le régime
tripartite de la juridiction
Sous MARPOL 73/78, la compétence en
matière de poursuite des infractions revient avant tout à
l’Etat du pavillon. Cela étant, la Convention rompt avec la
tradition en prévoyant également la juridiction de l’Etat
côtier, et celle, restreinte, de l’Etat de port. Il convient
d’examiner ces trois types de juridiction.
L’article 4 alinéa 1 MARPOL 73/78
prévoit une compétence générale en faveur de
l’Etat du pavillon. Il dispose que « toute violation des
dispositions de la présente convention est sanctionnée par la
législation de l’Etat dont dépend le navire en cause, quel
que soit l’endroit où l’infraction se
produit ».
Les pouvoirs de l’Etat côtier sont
réglés par l’alinéa 2 du même article, selon
lequel « toute violation des dispositions de la présente
Convention commise dans la juridiction d’une Partie à la Convention
est sanctionnée par la législation de cette partie ». La
définition de « juridiction » est en partie faite par
la Convention à son article 2 alinéa 5, et en partie
laissée au droit international coutumier. En effet, selon l’article
9 alinéa 2, « l’extension territoriale de la juridiction
doit être déterminée à la lumière du droit
international en vigueur au moment de l’application ou de
l’interprétation de la convention » (BOISSON DE
CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 681; voir aussi BROWN, p. 381; O’CONNELL,
p. 1003). Nous pouvons conclure que « selon MARPOL 73/78 les Etats
sont supposées sanctionner les violations commises dans les zones
maritimes qui relèvent de leur juridiction au sens de la Convention de
Montego Bay de 1982 et acceptées en droit international coutumier (zone
contiguë, zone économique exclusive, etc.) » (BOISSON DE
CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 681). En somme, MARPOL n’empêche
pas l’extension de la juridiction au-delà de la mer territoriale,
mais elle ne l’impose pas non plus (BIRNIE, BOYLE, p.
271).
Pour ce qui est de l’Etat du port, MARPOL ne
prévoit qu’une juridiction limitée. Selon l’article 5
alinéa 2, il lui incombe de vérifier la validité des
certificats. Il lui revient également, selon l’article 6
alinéa 2, de procéder aux inspections des navires au port afin
d’assurer qu’il n’y a eu aucun rejet constitutif d’une
infraction à la Convention. Conformément à l’article
5 alinéa 4, l’Etat du port peut appliquer les dispositions de
MARPOL 73/78 à des navires battant pavillon d’un Etat non-partie
à la Convention, en tant que condition d’entrée au port.
Cette disposition confirme le statut de MARPOL en tant qu’expression des
obligations de l’Etat du pavillon en droit international coutumier
(BIRNIE, BOYLE, pp. 269-270; BROWN, p. 382).
• Certificats et
inspections
MARPOL 73/78 exige que les navires respectent certains
standards techniques. Ainsi, l’Etat du pavillon a le devoir de veiller
à ce que les navires immatriculés chez lui respectent ces normes.
A cette fin, il doit faire des visites du bâtiment à des
intervalles réguliers (article 4 de l’Annexe I) et délivrer
des « certificats internationaux de prévention de la pollution
par les hydrocarbures » (article 5 alinéa 1 MARPOL 73/78,
concrétisé par l’article 5 de l’Annexe I).
L’Etat du port a également des pouvoirs d’inspection,
conformément à ce qui a été vu
ci-dessus.
•
Sanctions
Le dernier élément du régime de la
mise en oeuvre de la Convention est celui de la sanction des navires auteurs de
rejets illégaux d’hydrocarbures. Selon l’article 4
alinéa 4 MARPOL 73/78, « les sanctions doivent être, par
leur rigueur, de nature à décourager les contrevenants
éventuels, et d’une sévérité égale quel
que soit l’endroit où l’infraction a été
commise ». L’absence de preuves constitue l’obstacle le
plus important en matière de sanctions. En outre, si des preuves
existent, elles doivent être « jugées suffisantes par
l’Autorité » selon l’article 6 alinéa 4 de
la Convention. « L’Autorité » est
définie par l’article 2, et désigne « le
gouvernement de l’Etat qui exerce son autorité sur le
navire ». Il va sans dire que pour qu’un Etat incrimine son
propre navire, la preuve doit être irréfutable (Des photographies
ont déjà été considérées comme
constituant des preuves suffisantes, cf. GRIFFIN, p. 6).
c) Evaluation de
l’impact de MARPOL 73/78
Selon les statistiques de l’OMI et de la
Fédération Internationale de Pollution des Propriétaires de
Pétroliers (International Tanker Owners Pollution Federation), la
Convention MARPOL 73/78 a connu un succès immense (Cf. Annexes I et II du
présent travail). La pollution opérationnelle a baissé de
l’ordre de 85% entre 1973 et 1990 (GRIFFIN, p. 7) et les
déversements accidentels ne représentent aujourd’hui plus
que 5% de la pollution marine par les hydrocarbures (GRIFFIN, p. 10). Un tel
bref regard jeté aux statistiques ne peut être constitutif
d’une évaluation de la législation. D’une part
l’impact de MARPOL est difficilement quantifiable et les données ne
nous amènent pas à une conclusion nette (BIRNIE, BOYLE, p. 273).
D’autre part, les résultats statistiques dans ce domaine varient
selon le type d’information qu’on récolte et sont donc
faciles à manipuler.
(i) Les défauts de
MARPOL 73/78
Pour ce qui est de la réglementation technique,
l’exigence des citernes à ballast séparé était
une bonne idée qui ne fut que partiellement mise en oeuvre (GRIFFIN, p.
7). Ainsi que nous l’avons vu, l’article 13 de l’Annexe I ne
rend leur installation obligatoire que pour les nouveaux navires. Pour les
armateurs, il a donc été plus intéressant de garder les
navires en activité le plus longtemps possible que de procéder
à l’achat de nouveaux bâtiments équipés de
telles citernes. Ceci explique, entre autre, l’âge en moyenne
élévée des pétroliers. En effet, si ces citernes
avaient été requises également pour les navires existants,
beaucoup de ces derniers auraient été « mis
à la retraite » plus tôt, le coût de
l’installation rétroactive n’étant pas rentable. Par
cette approche, le processus d’amélioration de la qualité
environnementale de la flotte mondiale a donc été ralenti
(GRIFFIN, p. 7)..
En ce qui concerne le système de
séparation d’eau et d’hydrocarbures et la conservation
à bord des résidus, l’observation des exigences de MARPOL a
été rendue difficile par le nombre insuffisant
d’installations de récupération. A titre d’exemple, la
moitié des Etats littoraux de la Méditérranée
n’ont pas d’installations du tout (GRIFFIN, p. 8). Pour nombre de
pétroliers, la seule option est celle des rejets illégaux. Ce
choix est encouragé par le fait que les risques de se faire prendre sont
minimes (Cf. infra III B 3 c (ii)). et que les amendes sont parfois moins
chères que les frais d’un déchargement licite.
Malheureusement, l’absence de ces installations a même
été invoquée pour justifier de telles violations (BOISSON
DE CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 681). Comme nous l’avons vu, les
dispositions de MARPOL 73/78 sont certes ambiguës en ce qui concerne
l’aménagement de ces installations. Leur absence quasi totale
relève toutefois de la mauvaise foi des Etats qui n’ont pas voulu
reconnaître qu’ils étaient eux-mêmes tenus de pourvoir
à leur mise en place.
Le régime de mise en oeuvre de MARPOL est surtout
miné par le recours répandu des armateurs aux pavillons de
complaisance, où l’immatriculation constitue le seul lien entre le
bâtiment et l’Etat (METAXAS, p. 14). Dans leur rôle
d’Etat du pavillon, ces Etats sont les principaux responsables de la
poursuite des infractions. Or, ils ne vont que trop rarement respecter leurs
devoirs, tant ils sont dépendants du revenu que leur procure les
immatriculations. En outre, dans les cas où la bonne volonté ne
fait pas défaut, il s’agit souvent de petits Etats qui n’ont
tout simplement pas les moyens de jouer à la police des
mers.
(ii) Interprétation
de ces défauts
Face à MARPOL 73/78, deux attitudes sont
possibles. Nous pouvons nous retrancher dans le pessimisme en affirmant que la
Convention pourrait prévoir des mesures beaucoup plus efficaces, aussi
bien du point de vue des prescriptions techniques que de la mise en oeuvre. En
effet, nous avons vu que les prescriptions techniques laissent à
désirer. Et le groupe de travail néerlandais Werkgroep Noordzee
d’arriver à la même conclusion en ce qui concerne la mise en
oeuvre. Dans un rapport de 1989 concernant la mer du Nord (PEET, pp. 292-293).,
il a constaté que non seulement il y avait peu de chance que des
violations à la Convention soient détectées, mais encore
que si on surprenait des navires en train de procéder à un
déchargement illégal, il y avait peu de chance que le dit navire
soit poursuivi en justice. Au cas où une poursuite aurait effectivement
lieu, selon le groupe de travail, soit il n’y aurait pas de peine, soit
elle serait disproportionnellement basse par rapport à la violation. Dans
ces conditions, il serait légitime de conclure que les Etats ne sont pas
en train de remplir leurs obligations, et notamment celles concernant les
sanctions, la recherche des infractions et la communication des renseignements
(les articles 4, 6 et 11 MARPOL 73/78 respectivement, PEET, pp. 282-292
).
Une autre opinion, plus optimiste, est pourtant
soutenable. Elle consiste à dire que MARPOL, malgré ses
défaillances, demeure une bonne convention pour deux raisons.
Premièrement, elle a incontestablement eu un impact direct sur la
pollution opérationnelle à travers ses prescriptions
techniques ; en effet, quelles que soient les réserves qu’on
puisse nourir à l’égard des statistiques, la pollution
opérationnelle a incontestablement baissé (BIRNIE, BOYLE, p. 273).
Deuxièmement, la Convention ne pouvait être plus contraignante, vu
les besoins de ratification (GRIFFIN, p. 11). A cet égard, il faut se
rappeler que MARPOL est le produit de compromis incessants, et que nombre des
reproches que l’on peut vouloir lui faire trouvent leur source dans cette
méthode conciliatoire. Il en va ainsi des citernes à ballast
séparé, qui furent revendiquées par les Etats-Unis, mais
rejetées par l’industrie maritime parce que trop chères. Il
en va de même des problèmes de juridiction, où on avait peur
qu’en étendant les pouvoirs de l’Etat côtier, celui-ci
les détournerait à des fins politiques (GRIFFIN, p. 9).
D’aucuns disent que les concessions faites à l’industrie
maritime et aux Etats du pavillon sont trop grandes. Et GRIFFIN de
répondre, et nous avec lui, que le but qui sous-tend la Convention est
celui de ramener la flotte maritime mondiale dans le cadre d’un
traité international. N’est-il pas préférable que 90%
de cette flotte soit régi par des standards environnementaux imparfaits,
plutôt que 100% ne soit soumis à aucun contrôle ?
(GRIFFIN, p. 11)
En conclusion, le monde de MARPOL 73/78 n’est pas
aussi rose que les statistiques voudraient nous le faire croire. Le
régime instauré par la Convention n’est pas sans ses
défauts. Cela étant, son impact a été
considérable, compte tenu des obstacles auxquels il a dû faire face
et des intérêts qu’il a dû ménager. Pour
reprendre la métaphore de GRIFFIN, MARPOL 73/78 est bel et bien une
bouteille à moitié pleine, plutôt qu’une bouteille
à moitié vide (Cf. le titre de l’article de GRIFFIN,
« MARPOL 73/78 and Vessel Pollution: A Glass Half Full or Half
Empty »).
IV LA PREVENTION INDIRECTE
DE LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
(BIRNIE, BOYLE, pp. 265-266; BROWN, pp. 382-385, 738;
CHURCHILL, LOWE, pp. 210-220; CORDIER, DU PONTAVICE, p. 376; KING, pp. 469-475;
VAN REENEN, pp. 30-32).
L’introduction d’exigences
opérationnelles et de mesures techniques concernant le design des navires
n’a que peu d’effet en présence de déversements de
pétrole résultant d’un échouement ou d’une
collision. En réduisant le nombre d’accidents, les conventions sur
la sécurité maritime ont une influence importante, bien
qu’indirecte, sur la prévention de la pollution. Ce lien entre la
pollution par les hydrocarbures et les accidents a été reconnu par
le comité de l’OMI en 1967 au lendemain du naufrage du Torrey
Canyon. En effet, suite à cet accident, il a adopté un programme
de travail comprenant notamment, sous la rubrique de « mesures
préventives », l’élaboration de routes maritimes,
de restrictions de vitesse et d’exigences concernant le matériel de
navigation, le pilotage automatique et la formation de l’équipage
et des officiers. A l’époque du Torrey Canyon, l’essentiel de
la réglementation concernant la sécurité maritime se
trouvait dans la Convention de Londres pour la sauvegarde de la vie humaine en
mer de 1960 (dite SOLAS d’après son appellation anglaise) et les
Régulations sur les Collisions de 1960 qui lui été
annexées. Grâce aux efforts de l’OMI, la
réglementation s’est développée de manière
considérable. Il convient surtout de mentionner :
• La Convention de
Londres pour la sauvegarde de la vie humaine en mer de 1974 ainsi que ses
protocoles additionnels de 1978 et de 1988 (SOLAS 1974, 1978 et 1988), qui vise
à introduire des standards minima de sécurité pour la
construction, l’équipement et l’opération des
navires.
• La Convention de
Londres sur le règlement international pour prévenir les abordages
en mer de 1972, qui prévoit l’observation obligatoire des
dispositifs de séparation du trafic maritime. Jusqu’alors, ces
dispositifs n’avaient eu qu’un rang consultatif.
• La Convention
de l’OIT concernant les normes minima à observer sur les navires
marchands de 1976 (Convention de l’OIT No. 147), qui invite les Etats
signataires à élaborer une législation concernant les
normes de sécurité, la Sécurité sociale, les
conditions d’emploi et les arrangements de la vie à bord. Les
dispositions adoptées devraient être équivalentes dans
l’ensemble aux Conventions de l’OIT, afin de lutter contre les
pratiques inférieures.
• La Convention
de Londres sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des
brevets et de veille de 1978. Etant donné que plus de 80 % des accidents
maritimes proviennent d’une erreur humaine (BROWN, p. 383 ;
http://www.imo.org)., la prévention de la pollution des mers passe aussi
par la compétence et la qualification des équipages (CORDIER, DU
PONTAVICE, p. 377). C’est ainsi que cette Convention définit les
règles de base concernant la délivrance des brevets des
capitaines, officiers, chefs-mécaniciens ou personnel
marin.
V LA GESTION EN CAS DE
REALISATION DU RISQUE
Jusqu’à présent nous avons
analysé la prévention de la pollution des mers par les
hydrocarbures. Il s’agit sans doute de l’aspect le plus important et
le plus efficace dans la lutte contre cette pollution. Toutefois, et
malgré les progrès dans le domaine, il faut admettre que la
survenance d’accidents est inévitable. C’est pourquoi la
gestion de la pollution, c’est-à-dire la limitation des dommages et
leur réparation subséquente, a aussi un rôle fondamental
à jouer (WU CHAO, p. 2).
A LA LIMITATION DE
L’ETENDUE DES DOMMAGES
1 Le droit
d’intervention de l’Etat côtier
(BIRNIE, BOYLE, pp. 284-289; BOYLE, pp. 368-369; BROWN,
p. 386; CHURCHILL, LOWE, pp. 261-263; DUPUY, VIGNES, pp. 1002-1003;
O’CONNELL, pp. 1006-1008).
L’étendue des pouvoirs d’intervention
de l’Etat côtier en cas de pollution en dehors de ses eaux
territoriales est incertaine en droit international coutumier. En principe les
navires exerçant la liberté de la haute mer sont soumis uniquement
à la juridiction de l’Etat du pavillon. Néanmois,
l’intervention de l’Etat côtier peut être
justifiée sous l’angle du principe de nécessité. Afin
de clarifier cette situation, et suite notamment aux doutes concernant la
légalité de l’intervention britannique lors de
l’échouement du Torrey Canyon, la Convention de Bruxelles sur
l’intervention en haute mer en cas d’accidents entraînant ou
pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures a été
adoptée en 1969. Le droit d’intervention qui y est prévu ne
visait à l’origine que les accidents causés par les
hydrocarbures. Il a été étendu par voie de protocole en
1973 aux autres substances nocives.
La Convention confère à l’Etat
côtier un droit d’intervention en haute mer, et jusque dans les eaux
territoriales d’un autre Etat (les courants marins à certains
endroits étant suffisamment forts pour mettre en danger l’Etat
voisin). Toutefois, ce droit est limité à trois égards par
l’article 1 de la Convention. Premièrement, il ne s’applique
qu’en cas d’accident maritime ; une intervention en cas de
pollution opérationnelle est ainsi exclue. Deuxièmement,
l’Etat côtier ne peut agir qu’en présence d’un
danger grave et imminent. Cette exigence doit toutefois être
nuancée : en effet, suite à l’accident l’Amoco
Cadiz certains pays, dont notamment la France, ont fait valoir que la Convention
était trop restrictive. La Convention est restée inchangée,
mais le texte de l’article 221 de la Convention de Montego Bay a
été modifié pendant les négociations, afin de
prévoir un droit d’intervention en cas de « pollution ou
menace de pollution dont on peut raisonnablement attendre des
conséquences préjudiciables ». Troisièmement,
l’Etat côtier doit, dans tous les cas, respecter le principe de
proportionnalité lors du choix des mesures à prendre. Suivant le
modèle standard, les navires de guerre ne font pas l’objet de ce
droit d’intervention.
De par la large ratification dont jouit la Convention,
ainsi que le texte de l’article 221 de la Convention de Montego Bay, on
considère aujourd’hui que ce droit d’intervention fait partie
du droit international coutumier. En effet, l’article 221 prévoit
le droit de l’Etat côtier de prendre des mesures en vertu de droit
international « tant coutumier que conventionnel ». (BIRNIE,
BOYLE, p. 286).
- La coopération internationale
(BOISSON DE
CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 682; BIRNIE, BOYLE, pp. 283-284, 288-289;
BROWN, p. 386; CHURCHILL, LOWE, pp. 262-263).
Le droit international impose plusieurs obligations en
matière de coopération aux Etats confrontés à des
situations de pollution marine. L’article 198 de la Convention de Montego
Bay, ainsi que le droit international coutumier dont il est le reflet,
prévoient une obligation de notifier. De l’article 199 de cette
même Convention découle une obligation de coopérer dans les
cas visés par l’article 198, ainsi que l’élaboration
de plans d’urgence à cette fin. L’obligation de notifier se
trouve également à l’article 8 MARPOL
73/78.
Toutefois, la convention la plus importante en la
matière est la Convention internationale sur la préparation, la
lutte et la coopération en matière de pollution par les navires.
Adoptée en 1990 suite à l’incident Exxon Valdez, son
préambule est très parlant. L’importance des mesures de
précaution et de prévention afin d’éviter une
pollution par les hydrocarbures y est reconnue, ainsi que la
nécessité d’une préparation efficace pour lutter
contre la survenance de tels événements. Le principe du
pollueur-payeur y est décrit comme étant un principe
général du droit international de l’environnement.
La Convention impose une série de devoirs aux
Etats contractants dont, par exemple, un devoir d’informer. Son article 7
joue un rôle important puisqu’il prévoit que chaque Etat
membre doit fournir, en fonction de ses moyens, de l’aide à
l’Etat affecté. Selon l’Annexe, les questions de financement
des coûts d’assistance sont réglées selon le dit
principe du pollueur-payeur (BOISSON DE CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p.
682).
B LA REPARATION DU
DOMMAGE
1 Une responsabilité
étatique ?
(BOISSON DE CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, pp. 945-946;
BOYLE, pp. 366-368; BROWN, p. 387; BIRNIE, BOYLE, pp. 290-292).
Théoriquement, les bases juridiques
nécessaires à un régime de responsabilité
étatique efficace dans le domaine de l’environnement marin existent
déjà. A cet effet, nous pouvons considérer les articles
194, 198 et 235 de la Convention de Montego Bay, ainsi que les principes 21 de
la Déclaration de Stockholm et 13 de la Déclaration de Rio.
Malheureusement, la pratique ne suit pas cette logique et ne connaît
quasiment aucun cas de mise en oeuvre d’une telle responsabilité.
C’est pourquoi celui qui cherche à se faire indemniser doit se
tourner vers le régime de la responsabilité civile. En
matière de pollution par les hydrocarbures, celui-ci consiste en deux
traités et deux accords privés.
2 Le régime de la
responsabilité civile
a) Les
« Conventions de compensation »
(BIRNIE, BOYLE, pp. 292-297; BOISSON DE CHAZOURNES,
DESGANE, ROMANO, pp. 947-949; BRANS, pp. 297-302; BROWN, pp. 387-391; CHURCHILL,
LOWE, pp. 265-267; DUPUY, VIGNES, pp. 983-984; O’CONNELL, pp. 1008-1012;
http://www.imo.org, « Liability and Compensation »;
http://www.itopf.com, « Oil Spill
Compensation »).
La catastrophe du Torrey Canyon de 1967 a eu un effet
catalyseur sur le développement du système de la
responsablité civile, en révélant le manque cruel
d’accord international à cet égard. L’accident souleva
de nombreuses questions, à savoir, qui devait être tenu pour
responsible, quelle était la base pour déterminer cette
responsabilité et quel pouvait être le montant de
l’indemnisation. C’est en réponse à ces questions que
furent adoptées au sein de l’OMI deux conventions, connues sous le
nom des « Conventions de compensation » ou des
« Conventions de Bruxelles ». Il s’agit de la
Convention internationale sur la reponsabilité civile pour les dommages
dus à la pollution par les hydrocarbures de 1969 (dite CLC : Civil
Liability Convention) et la Convention internationale portant création
d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus
à la pollution par les hydrocarbures de 1971 (dite FIPOL). Les
Conventions ont dû trouver un équilibre entre des
intérêts contradictoires : ceux des armateurs et des
propriétaires des cargaisons respectivement, et ceux, tout aussi
conflictuels, des victimes et de l’industrie
pétrolière.
La CLC instaure un régime de
responsabilité objective, c’est-à-dire sans faute, de
l’armateur. Elle consacre ainsi le lien qui prévaut entre le risque
et les bénéfices tirés de ces activités, et ce
faisant applique le principe du pollueur-payeur (BOISSON DE CHAZOURNES, DESGANE,
ROMANO, p. 947). C’est à l’armateur de
s’exonérer en prouvant qu’un des cas d’exception est
rempli. Il en va ainsi si l’accident est la conséquence
d’actes de guerre ou de guerre civile, d’un cataclysme naturel ou de
la faute grave d’un tiers. La faute de la victime exonère
également l’armateur à son égard. Afin de veiller
à ce que l’insolvabilité des armateurs ne rende leurs
obligations illusoires, la souscription à une assurance est obligatoire.
Pour compenser l’absence d’une condition de faute, l’armateur
a le droit de limiter sa responsabilité, conformément à
l’article V CLC. Néanmoins, cette limitation du plafond de
responsabilité disparaît si l’armateur est
fautif.
Au-delà des plafonds prévus par la CLC,
l’indemnisation est assurée par FIPOL. Ce dernier met en place un
fonds alimenté par les industries importatrices de pétrole,
c’est-à-dire par les propriétaires des cargaisons. Le fonds
a pour objectif de mettre à disposition des victimes une source
d’indemnisation supplémentaire, pour les cas où celle
prévue par la CLC s’avère inadéquate. Les victimes de
pollution peuvent ainsi obtenir un dédommagement pour les montants qui
dépassent les plafonds de la CLC, ou pour les cas qui ne sont pas
couverts par le système de la CLC (typiquement les cas
d’exonération de l’armateur ou d’insolvabilité
de ce dernier). Au lieu de canaliser la responsabilité sur un seul
responsable, comme le fait la CLC, le fonds dilue la charge entre des payeurs
anonymes. Cette charge n’est pas fondée sur un concept de
responsabilité, mais plutôt sur l’idée d’une
collectivisation du risque de pollution (DUPUY, VIGNES, p.
984).
Le système esquissé est donc celui
d’un partage ; le dommage est assumé conjointement par les
propriétaires des navires et des cargaisons. Complémentataires,
les deux Conventions forment un tout indissociable (DUPUY, VIGNES, p.
983).
b) Les accords privés
de l’industrie maritime (BIRNIE, BOYLE, pp. 296-297; BROWN, pp. 391-394;
CHURCHILL, LOWE, p. 267; DUPUY, VIGNES, pp. 985-986; O’CONNELL, p. 1010;
http://www.itopf.com, « Oil Spill Compensation »).
Les accords TOVALOP (Tanker Owners Voluntary Agreement
concerning Liability for Oil Pollution) et CRISTAL (Contract
Regarding a Supplement to Tanker Liability for Oil Pollution) ont
été signés à la fin des années soixante. Il
s’agissait d’instaurer une solution intermédiaire
d’indemnisation volontaire des dommages de pollution dus à des
accidents pétroliers, en attendant l’entrée en vigueur des
Conventions de compensation. Le mécanisme de dédommagement
s’inspirait largement de celui des Conventions. Une première partie
du dommage était prise en charge par les armateurs selon l’accord
TOVALOP ; l’accord CRISTAL, conlu entre les compagnies
pétrolières, n’entrant en ligne de compte que pour
compléter les montants fournis par TOVALOP.
Malgré leur caractère provisoire, les
accords ont continué à jouer un rôle important
au-delà de l’entrée en vigueur des Conventions. Ils offrent
aux victimes une source alternative d’indemnisation, notamment en cas
d’accidents provoqués par des navires dont l’Etat du pavillon
n’est pas partie à la CLC ou à FIPOL. En effet,
« si les Conventions ont prise sur les Etats, les accords industriels
ont prise sur les navires » (DUPUY, VIGNES, p. 985). Ce constat a
d’autant plus d’importance que 97 % de la flotte
pétrolière mondiale a adhéré à TOVALOP
(BROWN, p. 391).
L’objet de ce travail de séminaire
était l’examen du régime légal du transport maritime
des hydrocarbures. C’est ainsi que nous avons abordé les
thèmes de la prévention directe et indirecte, puis de la gestion,
de la pollution du milieu marin par les hydrocarbures.
Nous avons vu qu’en matière de
prévention directe de la pollution, le droit international coutumier est
largement insuffisant. Il est complété par une
réglementation conventionnelle importante, dont la Convention MARPOL
73/78 constitue la clé de voûte. Nonobstant les critiques que
l’on peut valablement faire à son égard, force est de
constater que MARPOL a eu un impact significatif sur la pollution marine. En
effet, à la fois la pollution opérationnelle et la pollution
accidentelle ont baissé de manière considérable, et ce
« malgré l’augmentation constante du nombre de
bâteaux et du tonnage de pétrole transporté »
(BOISSON DE CHAZOURNES, DESGAGNE, ROMANO, p. 683).
La philosophie qui sous-tend la Convention MARPOL veut
que celle-ci soit un standard environnemental à application globale,
plutôt qu’un traité rigide auquel peu d’Etats
adhèrent. Ces objectifs de globalité et de souplesse ont
été largement atteints. La réglementation mise en place a
pour vocation de s’appliquer au plus grand nombre d’Etats, et donc
de navires, et ce malgré des intérêts extrèmement
divergents. Or MARPOL, en vertu de sa très large ratification, est
aujourd’hui considérée comme étant la codification du
droit international coutumier. Et si MARPOL connaît un tel taux de
ratification, c’est justement grâce à sa souplesse. En effet,
les concessions qu’elle a su consentir et la technique juridique
qu’elle emploie doivent être comprises à la lumière de
son approche pragmatique. Celle-ci consiste à ramener les acteurs
à l’intérieur d’un cadre juridique commun, pour
ensuite rendre ce cadre progressivment plus contraignant.
En ce qui concerne la prévention indirecte de la
pollution et la gestion de la pollution en cas de réalisation de cette
dernière, nous pouvons dire aujourd’hui que la
réglementation existe, et qu’il suffit de la mettre en oeuvre. A
titre d’exemple, lors de l’accident récent de l’Erika,
les mesures de coopération internationale ont été rapides
et efficaces, et le mécanisme de réparation des dommages des
« Conventions de compensation » a déjà
été mis en branle. La seule lacune réelle est en
matière de réparation des dommages, qui n’existe que pour la
pollution accidentelle ; la pollution opérationnelle n’ouvre
toujours pas la voie au dédommagement.
En conclusion, le système réglementaire
adopté en matière de lutte contre la pollution du fait du
transport maritime des hydrocarbures est une réussite du droit
international de l’environnement. En raison de l’approche souple et
progressive qu’il emploie, il constitue un exemple de l’utilisation
productive des moyens traditionnellement employés par le droit
international de l’environnement. Néanmoins, la
réglementation n’est pas sans ses défauts et insuffisances,
et il y a encore du chemin à faire...
BIBLIOGRAPHIE
I OUVRAGES
BIRNIE, P., BOYLE, A., International Law and the
Environment, Clarendon Press, Oxford, 1992.
BOISSON DE CHAZOURNES, L., DESGAGNE, R., ROMANO, C.,
Protection Internationale de l’environnement : recueil
d’instruments juridiques, Pédone, Paris, 1998.
BROWN, E., The International Law of the Sea, vol. 1,
Dartmouth, Aldershot / Brookfield, USA, 1994.
CHURCHILL, R., LOWE, A., The Law of the Sea, Manchester
University Press, Manchester, 1988.
CORDIER, P., DU PONTAVICE, E., La mer et le droit,
Presses Universitaires de France, Paris, 1984.
CULLET, P., DOMMEN, C., Droit international de
l’environnement : Textes de base et références, Kluwer
Law International, London / The Hague / Boston, 1998.
DUPUY, R.-J., VIGNES, D., Traité du Nouveau Droit
de la Mer, Economica, Paris, 1985.
HOHMANN, H., Precautionary Legal Duties and Principles
of Modern International Environmental Law, Graham and Trotman / Martinus
Nijhoff, London / Dordrecht / Boston, 1994.
KISS, A., Le droit international de
l’environnement, La Documentation Française, Paris,
1992.
METAXAS, B., Flags of Convenience : A Study of
Internationalisation, Gower, Aldershot, 1985.
O’CONNELL, D., The International Law of the Sea,
vol. 2, Clarendon Press, Oxford, 1984.
WU CHAO, La pollution du fait du transport maritime des
hydrocarbures : Responsabilité et indemnisation des dommages,
Pédone, Paris, 1994.
II ARTICLES
BAUTISTA PAYOYO, P., « Implementation of
International Conventions through Port State Control : an
Assessment », International Journal of Ocean Affairs, vol. 18, 1994,
pp. 379-392.
BOYLE, A., « Marine Pollution under the Law of
the Sea Convention », American. J. Int’l’L., vol. 79,
1985, pp. 347-372.
BRANS, E., « Liability and Compensation for
Natural Resource Damage under the International Oil Pollution
Conventions », Review of European Community and International
Environmental Law, vol. 5, 1996, pp. 297-304.
BROWN, W., « The International Oil Pollution
Compensation Fund : an Analytical Report on Fund Practice »,
in : The Law of the Sea and International Shipping : Anglo-Soviet
Post-UNCLOS perspectives, W. Butler (éd.), Oceana Publications, New York
/ London / Rome, 1985, pp. 275-314.
BYWATER, J., « Government Response to Marine
Pollution from Ships », International Journal of Ocean Affairs, vol.
19, 1995, pp. 487-496.
DE LACHARRIERE, G., « La France et les
leçons de l’Amoco Cadiz », in Aspects Actuels du Droit
International des Transports : Colloque du Mans, Pédone, Paris,
1981, pp 168-182.
GRIFFIN, A., « MARPOL 73/78 and Vessel
Pollution : A Glass Half Full or Half Empty ? », Global
Legal Studies Journal, vol. 1, 1999, pp. 1-19.
KING, J., « An Inquiry into the Causes of
Shipwrecks : its Implication for the Prevention of Pollution »,
International Journal of Ocean Affairs, vol. 19, 1995, pp.
469-475.
KISELEV, V., « ‘Special Areas’ for
Preventing Pollution of the Sea », International Journal of Ocean
Affairs, vol. 12, 1998, pp. 241-246.
KHALASTCHI, R., MACKENZIE, R., « Liability and
Compensation for Environmental Damage in the Context of the Work of the United
Nations Compensation Commission », Review of European Community and
International Environmental Law, vol. 5, 1996, pp. 281-289.
International Maritime Organisation - Compensation
for Oil Pollution : 1992 Protocols to the Civil Liability Convention and
the Fund Convention, International Journal of Maritime and Coastal Law, vol. 8,
1993, pp. 286-290.
MCGOVERN, N., « The Role of Inter-Governmental
Organisations in the Development of Private International Maritime
Law », in : Internationales Recht auf See und
Binnengewässern : Festschrift für Walter Müller, T.
Burckhardt, A. von Ziegler (éd.), Schulthess, Zürich, 1993, pp.
159-166.
PEET, G., « Particularly Sensitive Areas
– A Documentary History », International Journal of Marine and
Coastal Law, vol. 9, 1994, pp. 469-502.
PEET, G., « The MARPOL Convention :
Implementation and Effectiveness », International Journal of Estuarine
and Coastal Law, vol. 7, 1992, pp. 277-295.
PLANT, G., « Safer Ships and Cleaner
Seas : A Review on the Report of Lord Donaldson’s Inquiry into the
Prevention of Pollution from Merchant Shipping », International
Journal of Marine and Coastal Law, vol. 9, 1994, pp. 535-555.
VAN REENEN, W., « Rules of Reference in the
new Convention on the Law of the Sea, in Particular in Connection with the
Pollution of the Sea by Oil from Tankers », Netherlands. Yb
Int’l’L., vol. 12, 1981, pp. 3-44.
III INTERNET
http://www.imo.org/imo/faqs.htm.
http://www.imo.org/imo/50ann/hilight3.htm.
http://www.imo.org/imo/50ann/history3.htm.
http://www.imo.org/imo/structur.htm.
http://www.imo.org/imo/introd.htm,
« IMO : What It Is, What It Does and How It
Works ».
http://www.imo.org, « IMO : What It Is
and What It Does ».
http://www.imo.org, Focus on IMO, « IMO
1948-1998 : A Process of Change ».
http://www.imo.org, Focus on IMO, « MARPOL -
25 years ».
http://www.imo.org, Focus on IMO, « MARPOL
73/78 ».
http://www.imo.org, Focus on IMO, « Preventing
Marine Pollution ».
http://www.imo.org, « Liability and
Compensation ».
http://www.itopf.com, « Oil Spill
Compensation ».
http://www.itopf.com/stats.html.
ANNEXES
I La pollution par les hydrocarbures du fait des
navires : le fonctionnement
des mesures de l’OMI (quantités
déversées, en million de tonnes)
Source : http://www.imo.org, Focus on IMO,
« MARPOL 25 years ».
Nota bene : Les statistiques de l’OMI
débutent en 1973 pour tenir compte de l’effet anticipé
qu’a connu la Convention MARPOL, entre son adoption en 1973 et son
entrée en vigueur en 1983.
II Le nombre de déversements accidentels de
pétrole au-dessus de 700 tonnes
Source :
http://www.itopf.com/stats.html.
III Les différentes causes,
opérationnelles et accidentelles, des déversements
(1974 – 1998)
Source :
http://www.itopf.com/stats.html.
|